Kate Bush, la voix des songes éveillés
Valéry B nous présente son artiste de la semaine dans sa chronique habituelle. Elle chante comme on rêve : sans barrière, sans peur, entre ciel et terre. Kate Bush, c'est l'audace et la grâce mêlées, une artiste qui a fait de la pop un art à part entière mystique, théâtral, émotionnel. Chaque chanson est un monde à part, un voyage dans l’âme humaine.
C’est le cri originel, la chanson qui a tout bouleversé. Inspirée du roman d’Emily Brontë, Wuthering Heights (1978) est un coup de vent romantique et spectral. Kate, à peine 18 ans, y incarne Catherine, héroïne fantomatique qui revient hanter son amour perdu. La voix monte, plane, se brise presque, comme un souffle venu d’un autre monde. Ce titre a fait entrer la poésie dans la pop et révélé une artiste inclassable : dramatique, fragile, géniale.
Un battement de cœur, une prière électronique, un pacte pour comprendre l’autre. Avec la chanson Running Up That Hill sortie en 1985, Kate Bush signe un hymne universel : celui de l’amour et de l’empathie. Elle y chante le rêve d’échanger les places un homme, une femme — pour abolir les malentendus. Porté par une production avant-gardiste et une intensité rare, ce morceau n’a jamais cessé de vivre, jusqu’à redevenir viral près de quarante ans plus tard. C’est le miracle Bush : intemporelle, transcendante.
Un drame en trois minutes, aussi théâtral qu’un opéra. Babooshka (1980) raconte l’histoire d’une femme qui, pour tester la fidélité de son mari, lui écrit sous un faux nom… et provoque sa propre perte. Tout y est : la passion, la jalousie, le déguisement et la chute. Entre lignes de basse acérées et explosions vocales, Kate Bush déploie son goût du jeu et du double. C’est une chanson miroir, brillante et cruelle, où l’amour se consume dans le théâtre de soi.
Inspirée de l’histoire du psychanalyste et inventeur Wilhelm Reich, Cloudbusting est un bijou d’émotion et de narration. Dans cette musique parue en 1985, elle y chante du point de vue de son fils, entre la foi et la perte, l’imaginaire et la science. Les cordes montent comme un orage, la voix espère malgré tout. C’est une chanson sur la mémoire, sur l’enfant qui croit encore au pouvoir des nuages, et sur l’artiste qui refuse de cesser d’y croire. Poétique, lumineuse, bouleversante.
Une prière en clair-obscur. Écrite pour le film She’s Having a Baby, This Woman’s Work (1989) est sans doute l’une des chansons les plus poignantes de Kate Bush. Tout repose sur sa voix et un piano fragile : un homme prie, impuissant, tandis que la femme qu’il aime lutte pour donner la vie. C’est un chant sur la fragilité, la responsabilité et l’amour à nu. Chaque note semble suspendue au silence — comme un souffle avant les larmes.
Kate Bush ne compose pas seulement des chansons : elle bâtit des mondes. Des mondes où la femme devient vent, prophétesse, amante, mère, fantôme ou lumière. Son œuvre, à la fois cérébrale et viscérale, traverse les décennies sans s’altérer. Elle a prouvé qu’une artiste pouvait tout oser et rester libre.