Vice Versa 2

20 juin 2024
Cette semaine, nous n'avons pas été au Sémaphore, mais avons opté pour quelque chose de plus mainstream. L'air des vacances arrive, même si on ne le sent pas trop... Bref, nous sommes allés voir Vice-Versa 2, le dernier Pixar. C'est déjà le 28e film du studio, qui avait commencé avec Toy Story en 1995, ce qui ne nous rajeunit pas. Vice-Versa 2 est donc la suite du film de 2015, dans lequel nous suivions, de l'intérieur (c'est-à-dire depuis le cerveau), les diverses émotions de la petite Riley, âgée de 11 ans. Dans ce second volet, Riley a grandi et a maintenant 13 ans...

 

La crise d'adolescence, donc. Annoncée par une sonnette d'alarme dans le centre de contrôle des émotions, la puberté fait son apparition et adjoint aux quatre émotions du premier volet (à savoir la peur, la joie, la tristesse et le dégoût) son lot de nouveaux sentiments, dominé par l'anxiété, qui tente de remplacer la joie comme émotion principale. Scénaristiquement parlant, ça fonctionne ; difficile de ne pas s'identifier, surtout si vous avez des ados à la maison. À travers la place prépondérante de l'anxiété, toutes les tensions sociales des adolescents apparaissent : l'envie d'être populaire, le rejet des amis... Sans trop dévoiler le scénario, on explore encore les affres du refoulé et des angoisses pour rétablir le très bienveillant (nous sommes chez Pixar) arbre de la confiance en soi.

 

Le désir, dans ces émotions adolescentes, est le grand absent de cette allégorie des émotions des teenagers. Depuis que Pixar a été racheté par Disney en 2006, il y a eu un certain polissage des scripts, et ici on frôle le puritanisme : le seul désir concerne la place sociale de l'individu dans le groupe. Mais peut-être que Pixar réserve ce sujet pour un éventuel troisième volet. Néanmoins, il y a toujours les éléments absurdes et comiques qui font aussi la pâte du studio, comme la fourchette dans les derniers Toy Story ou le chat-robot dans le récent Buzz l'Éclair. Ici, c'est une boîte à outils hilarante qui permet quelques fous rires pendant le film.

 

Il est préférable d'avoir vu le premier film pour apprécier le second, car on s'est habitué aux émotions de l'enfance, ce qui rend le contraste avec le second volet plus efficace. Cela apporte une plus grande variété, quelque chose de moins binaire. Vice-Versa avait été un peu trop simplifié comme analyse fondamentale des émotions, par exemple en arts plastiques où il semble acquis que le jaune exprime la joie et le rouge la colère. Donc, qui sait, peut-être que dans quelques années les élèves anxieux adopteront l'orange et les élèves gênés le rose.

 

Malgré ses bémols, je recommande évidemment ce film. Même si je souligne certains aspects caricaturaux ou manquants, c'est un très bon Pixar, le meilleur depuis quelques années (j'étais resté assez froid devant les derniers). On rit, et certains pleurent même devant le film. Le second niveau de l'allégorie, celle du film et de ses émotions, fonctionne à merveille. On est pris dans le scénario, ses tensions et ses cliffhangers. D'un point de vue esthétique, Pixar casse encore une fois le consensuel en utilisant des registres d'images différents avec la trousse à outils. Ce n'est pas la Confusion des sentiments de Stefan Zweig, mais le film a pour ambition première de divertir et, de ce point de vue, il est très réussi. C'est un film pour vous si vous avez des ados, si vous avez vu et aimé le premier, et si vous cherchez un film à voir en famille en ce début d'été globalement déprimant, entre les élections, la fracture nasale de Mbappé, et la pluie.

 

Évidemment, ce n'est pas pour vous si vous êtes allergique au divertissement de masse et ne jurez que par le cinéma d'auteur contemplatif... encore que vous pourriez être surpris.

 

On se laisse en musique, mais pas avec celle du générique du film, trop consensuelle et mièvre à mon goût. Écoutons plutôt "Happiness is a Warm Gun" des Beatles, sur leur merveilleux album.


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