L'Empire par Bruno DUMONT

08 mars 2024

 

Deux ans après son film France, avec Léa Seydoux, qui avait déjà divisé l’opinion, Bruno DUMONT revient avec un long métrage qui parle d’extra-terrestre, tout en étant lui même un objet filmique non identifié… Plus précisément, le film raconte l’affrontement , dans le nord pas de calais, de deux catégories d’extraterrestre, des maléfiques et d’autres plus bienveillants. C’est une sorte de croisement entre un film d’auteur, un film grotesque, et une série-b de science fiction.

 

Le film a été un peu vendu comme un soap opera, genre « Star Wars chez les Ch’tis ». Et pour cause, il y a beaucoup de références à Star Wars: la forme des vaisseaux, les plans dans l’espace, et évidemment les sabre lasers. Dumont semble avoir découvert les effets spéciaux numériques et s’amuse beaucoup avec… Un peu trop même, probablement…

 

Côté effets spéciaux donc, et bien disons peut-être du star wars de la première époque, et encore il y avait un côté artisanal qui fonctionnait très bien, alors qu’on est ici dans du 100% numérique, mais sans le budget de LucasFilm ou Disney. Résultat, ça peut parfois être indigeste… même s’ il est évident qu’il s’agit d’une volonté du réalisateur, qui s’amuse de l’abus d’ effets jusqu’au grotesque. L’esthétique, ou même le jeu des acteurs chez Dumont sont de toute façon loin de faire consensus.

 

 

Une des marques de fabrique de Dumont, c’est de s’entourer, en partie, d’acteurs non professionels. Et cela marchait très bien dans le passé, avec Ptit quinquin notamment. Mais on est là dans un autre registre, certaines répliques sont bafouillées par les acteurs, qui se coupent parfois dans leur texte sans que ce soit corrigé au montage. Ce qui est génant c’est le contraste avec le jeu des comédiens professionnels, les extraterrestres étant interprétés par Fabrice Luchini, camille Cottin, Lyna Khoudri ou Anamaria Vartolomei. Ce Contraste crée un sentiment de malaise - certes voulu et souligné, mais qui peut empêcher d’être pris par le récit du film.

Parce que cette esthétique du burlesque à l’excès, hilarante quand elle souligne l’absurde du quotidien, ne colle pas du tout avec l’univers de science fiction proposé ici.

 

 

C’est vrai qu’il y a une grande vague de films de genres qui traverse le cinéma français depuis quelques années, on pense à la nuée, puis acide de just philippot, ou évidemment au règne animal de Thomas Cailley. Et on pouvait espérer voir ce que Dumont donnerait en s’aventurant dans le film de genre. Mais le réalisateur n’est pas du type à aimer les classifications et propose un film totalement hybride, d’une singularité telle qu’il ne ressemble a rien de fait jusqu’à lors. C’est sa principale qualité, surtout si vous cherchez, chez un réalisateur, l’innovation et la manière certaine de se démarquer du tout venant. Mais vous pouvez aussi trouve ça particulièrement long, ou même lourd.

 

Dans l’ensemble, la déception est grande. Bien sûr, ça fourmille d’idées, d’innovations, les vaisseaux extraterrestre par exemple, entre star wars et les cathédrales gothiques du côté du bien, beaucoup plus baroque et versaillais du coté du mal. Il y a aussi une volonté poétique dans l’étrangeté de l’univers extraterrestre, et un sens spirituel derrière la bouffonnerie . Mais cette étrangeté est servie en surabondance, jusqu’à l’overdose . On relève des citation ou hommages à David Lynch dans certaines scènes, les batteries jouées au balai qui accompagnent des dialogues, les voix à l’envers des extra-terrestre… Mais là ou l’étrangeté du cinéaste américain flirte avec le grandiose par son coté millimétré et perfectionniste, elle flanche chez le réalisateur nordiste, perdue sous une accumulation anarchique de non-sens.

 

Disons que si, en allant au cinéma, vous cherchez à tout prix la nouveauté des formes, le jamais vu, ou la singularité, et ce, quoiqu’il en coute, comme dirait le chef, alors oui vous serez conquis. Pas un film en effet ne ressemble de prêt ou de loin au dernier Dumont.

Si le grotesque à outrance ne vous fait pas peur et que vous avez adoré son prédécesseur France, alors tentez le coup.

 

En lien avec Dumont, mais pas avec « l’empire », on va s’écouter une musique du regretté Christophe, qui était acteur et chanteur dans l’un des derniers films de Dumont, Jeanne.

Voici sa magnifique chanson écrite en hommage à Lou Reed

 


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