Priscilla

Priscilla
Le Pitch, vous le savez peut être, s’inspire du roman autobiographique de Priscilla Presley. De sa rencontre en allemagne avec la star en garnison militaire, à leur mariage puis divorce. On ne spoile personne je crois en racontant ce parcours. Pour Coppola, c’est surtout un prétexte pour ausculter l’un des mythes populaires américains majeurs avec un nouveau scalpel, ou sous un nouveau prisme, par le biais du Female Gaze, le regard féminin, là où le Biopic de Baz Luhrman, pour ne citer que lui et aussi réussi soit il, se voulait plus frontal et consensuel, consolidant l’ancrage et la stature mythique du king.



Mais Coppola est une réalisatrice qui a presque vocation à se concentrer sur les temps morts, les entre deux, une réalisatrice qui aime filmer l’ennui de ses personnages. Ennui déjà central dans Lost in Translation, et évidemment dans Marie Antoinette; ennui cerné par l’aisance ou l’opulence financière. Ennui maintenant dans Priscilla. Filmer ce qui se passe en marge, dans les interstices, pendant que les trépidations se passent hors champ, à l’extérieur du female gaze qui nous raconte le film. Ceux qui espèrent revivre un Biopic d’Elvis seront évidemment déçus. Puisque si Biopic il y a ici c’est celui de sa femme, Priscilla Presley (le film est une adaptation de son auto-biographie). Interprétée par Cailee Spaenny, prix d’interprétation à la Mostra de Venise pour ce rôle, et Jacob Elordi, superbe de désaffectation et de distance.
Attention, ce n’est pas parce que le film traite de l’ennui qu’on s’ennuie à le regarder, loin de là. D’autant qu’au début du récit, des trépidations, il y en a, et pas des moindres; la rencontre d’Elvis avec une Priscilla de 14 ans, parfaitement jouée et mise en scène: la proximité grandissante avec le chanteur est filmé comme une ascension romantique. Les parents craintifs de Priscilla sont vus comme autant d’obstacles pour parvenir au fantasme Elvis. Quelque chose de palpitant se dégage de ce début, palpitant parce qu’inconcevable, mais surtout parce que vécu dans le regard d’une ado de 14 ans, qui commence une idylle avec la star N°1 des US, palpitant parce qu’interdit, aussi. Le spectateur suit le regard de Priscilla, happé comme elle, pour probablement vivre ensuiste sa désillusion avec la même force. Priscilla est sous l’emprise d’Elvis et le spectateur est par ce biais sous l’emprise de la cinéaste. Tout cela, c’est au début car, ici, et c’est volontaire, le climax émotionnel arrive tôt, avec le premier voyage de Priscilla aux états unis, pour laisser place, graduellement, aux illusions perdues, à une distance, une désaffectation progressive, rythmé par la consommation d’amphétamines et de somnifères. Une atmosphère presque vaporeuse s’installe, une forme de vie périphérique. C’est un Cinéma de la désaffectation progressive que l’on vit à travers priscilla. Ne pas être jalouse, ne pas travailler, et accepter en silence. L’Amérique revisite ses mythes dans ses marges.

Point très positif comme souvent chez Sofia Coppola : La bande son. Pas un titre de l’époque, mais des titres qui même en étant issus d’autres périodes que celle du récit vont réussir à nous y immerger davantage (changement de look sur Dan Deacon) on se laisse d’ailleurs avec 'baby i love you' des Ramones sur la bande originale du film.


Alexandre Cussey

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