Poor Things + May December

Poor Things + May December

Cette semaine on va parler de deux films, May december de Todd Haynes, sorti le 24 Janvier, et Poor Things de Yorgos Lenthimos, en salle depuis le 17 janvier.

 


 

Poor Things

 

Pauvres créatures en français, le Nouveau flm du réalisateur grec Yorgos Lanthimos auquel on doit The Lobster, La Favorite ou encore la mise à mort du cerf sacré.. Des films qui ont un écho et un succès de plus en plus retentissant.

 

Déjà primé

 

oui et pas des moindres puisque le film a été récompensé par le Lion d’or, la plus haute distinction, à La mostra de venise, équivalent italien de notre festival de cannes national.

 

Un genre de Frankenstein au féminin?

 

Un peu, mais pas seulement. Le film est en fait une adaptation du roman Ecossais d’Alasdair Gray, publié en 1992. Il nous conte l’histoire de Bella, jeune créature, forme, effectivement, de néo-frankenstein mais un frankenstein intemporel, non monstrueux, et surtout féminin, ce qui permet de déplacer le prisme du regard sur le mythe de la créature. Bella c’est d’abord un corps échoué, trouvé, celui d’une femme suicidée et enceinte. Un corps qu’un chirurgien décide de ramener à la vie en lui greffant un cerveau d’enfant.. plus exactement en lui greffant le cerveau du foetus qu’elle avait dans le ventre.


Mais attention On est pas dans le film de genre, ou d’épouvante, ici. Tout est campé avec une esthétique à la fois baroque et gothique, et on comprend rapidement l’hommage souligné à Mary Shelley et à son Frankenstein. Mais ici, il y a en fait deux créatures, et visuellement, c’est le créateur, interprété par Willem Defoe, qui nous évoque le monstre couturé du roman gothique.

On peut applaudir au passage le travail hallucinant de maquillage sur l’acteur, et les heures représenté par une telle prouesse.. Bella, l’autre créature interprétée par emma stone, n’a pas la moindre cicatrice visible: C’est la créature ou plutôt la création parfaite, tellement parfaite qu’elle est autonome, qu’elle développe sa propre vie, hors de contrôle, forme de paroxysme d’une oeuvre d’art. Et c’est là le sujet du film, un roman d’apprentissage pour une créature Délestée de tout préjugés, de tout précepte moral ou philosophique, guidée par l’expérience et le plaisir, dans un retour total à l’état de nature. Les bonnes manière, la pudeur, la fidélité, l’empathie sont ici progressivement terrassées par le comportement d’une Bella qui porte bien son nom, et dont la beauté la rend particulièrement convoitée. Forme d’ovni entre le film d’apprentissage et le film gothique, mis en scène avec les sophistications propre au réalisateur, Poor Things ne laissera personne indifférent.

 

Pourquoi est ce qu’il divisera les spectateurs?

 

Il y a la patte du réalisateur qui peut diviser. L’ esthétisme et les sophistications à outrance ont certes leur détracteurs, mais on peut parfois trouver l’ensemble surfait voire indigeste. Qu’il s’agisse des nombreuses scènes filmées au fish eye, de l’alternance du noir et blanc et de la couleur, des décors dont la visée est nettement plus esthétique que réaliste. ou encore de la bande son expérimentale, tout est ici très appuyé, souligné. On adhère ou on déteste. C’est pour vous, assurément, si vous êtes un adepte du cinéma léché d’un Guillermo del toro ou d’un Terry Gilliam, si vous cherchez un art total, et totalement maitrisé. Passez votre chemin en revanche si vous êtes en quête de simplicité ou d’authenticité picturale.

Il y a aussi le côté « taillé pour les oscars » du film qui peut en faire soupirer certains. Mais ça fonctionne, puisque poor things est nominé pas moins de 11 fois. Seul Oppenheimer, avec 13 nominations; le surpasse cette année. Reste à voir si l’académie préfèrera les sophistications de ces deux films ou la beauté beaucoup plus simple et vraie d’anatomie d’une chute de Justine Triet.

 

 


 

May December

 

de Todd Haynes, réalisateur à qui on doit notamment Le mélodrame très réussi « Loin du paradis », et plus récemment « Dark Water », film et récit d’investigation retraçant 10 ans de procédures liées à un scandale écologique.

 

Mais revenons à May december. Gros casting pour ce nouveau film puisque le réalisateur retrouve Julianne Moore , qui interprète dans le film Gracie, une américaine issue d’un milieu aisé, dont la vie privée à fait l’objet d’un scandale médiatisé des années avant. Un scandale dont un film va justement être tiré. Pour se mettre dans le rôle de Gracie, l’actrice principale dudit film, Elizabeth, interprété par Natalie portmann. va devoir s’imprégner du personnage; la rencontrer, enquêter sur elle. Le film est le récit de cette mise en abime, prétexte à explorer les névroses d’hollywood et celles des classes aisées américaines.
 

Pourquoi ce titre, May December?

 

Parce que le scandale médiatique qui a éclaboussé vingt ans plus tôt la famille de Gracie (Julian Moore, donc) est un scandale amoureux, et sans en dire trop on peut préciser qu’ une différence d’âge de pas loin de vingt ans constitue le scandale. l’expression may december est utilisée en américain pour illustrer ce contraste d’âge dans une relation.

 

Mélodrame ou thriller?

 

Ni l’un ni l’autre ! On est plus sur un tableau de mœurs d’une catégorie de la population, mais aussi et surtout sur la question de la façade. La vie de façade d’une américaine éclaboussée par le scandale, sa volonté de sauver les apparences, et l’apparence que tente justement de reproduire l’actrice, illustrée notamment par les scènes de maquillage des deux comédiennes face au miroir, et vues depuis l’envers du miroir. Jeux d’apparence, de transformations et de mues, l’un des fil rouge étant la passion du mari de Gracie pour les chrysalides et papillons monarques, dont l’élevage et la sauvegarde semble constituer un hobbie. Jeux d’apparence et de façade donc, jusqu’à la lumière toujours ensoleillée qui éclaire l’ensemble du film mais derrière laquelle on devine rapidement les craquelure, les larmes se succédant aux sourires d’apparat et les coups bas à l’empathie affichée. Tout est bien joué, bien filmé, et on sent qu’il n’aurait pas manqué grand chose à ce May December pour passer de la catégorie de Bon film, à la catégorie des films majeurs. mais un film à voir assurément.

 

Et plutôt qu’un titre de la bande originale, j’ai choisi de mettre un titre du Velvet Underground, groupe sur lequel le réalisateur a récemment sorti un très bon documentaire disponible sur apple tv... Venus in Furs :

 


Alexandre Cussey

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