Chroniques de Téhéran

Chroniques de Téhéran

Le nouveau film de Ali Asgari et Alireza Khatami: premier film iranien depuis que j’ai la chance d’animer ces chroniques, mais certainement pas le dernier,  la qualité du cinéma iranien étant particulièrement vive ces dernières années.


Que l’on songe à un héros, de Asghar faradi, la loi de téhéran ou leila et ses freres de saheed roustayi ou encore aux nuits de mashad du danois d’origine iranienne Ali abassi, on peut dire que les films marquants venus de cette partie du globe sont nombreux. On aurait aussi pu citer le film précédent du duo Asgari-khatami, juste une nuit, sorte de fiction documentaire nous racontant le quotidien d’une jeune mère iranienne cherchant à cacher son bébé à ses parents.

« Chroniques de Téhéran », c’est un portrait de la ville, au travers de ses habitants, qui ont simplement en commun de vivre dans la même mégapole. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un long plan en accéléré du lever du jour sur la capitale iranienne, avant de nous proposer une série de 9 saynètes, qui pourraient faire penser à un documentaire par leur simplicité. Le film est un ciup de point aussi efficace que basique, tourné en sept jours. Chaque saynète est  tournée en plan fixe, caméra braquée sur une seule personne, son interlocuteurs étant en hors champ. Rien ne les relie d’autre que le lieu dans lequel elles sont tournées à savoir téhéran.


Ces neuf saynètes prennent sens en les assemblant.
Au hasard: Une pré-ado qui danse devant un miroir, casque hello kitty lumineux sur la tête et sweat Mickey Mouse, dans un magasin ou sa mère lui achète la tenue islamique pour son entrée à l’école. cela donne le ton : scène ubuesque, incompréhension de l’enfant. Autre saynète; Un jeune père vient déclarer la naissance de son fils pour  lui donner le nom de David, et on lui en suggère une série d’autre noms…  un homme est prié de montrer ses tatouages et de les expliquer, pour prouver qu’il est sain d’esprit afin qu’on puisse lui délivrer un permis de conduire, un scénariste se voit contraint de reprendre tout son film pour être dans la lignée du coran, mais même une scène adaptée du coran est jugée à reprendre. Je n’en dévoile pas trop  On rit devant de nombreuses séquences, au début  on est horrifié peu a peu, par d’autres d’autre, elles ont toutes en commun un caractère ubuesque, une absurdité des demandes. Et l’ensemble rend la situation carrément oppressante

Par l’absurdité qu’elle dégage, c’est une critique de l’administration à la Kafka, mais elle est doublée d’un sacré coup de poing critique adressé aux oppresseurs religieux. Le mélange des deux donne une vision terrible de la situation dans la ville, ce qui en ressort c’est cette double impression d’étau administratif et religieux, mais aussi une forme de peur de la part de ceux qui prennent les décisions peur de la hiérarchie au dessus qui leur fait faire des choses aussi improbables que celles d’interdire les chiens.

Le film est assez court, une heure et quart, découpé en neuf saynètes, chacune aussi improbables les unes que les autres, la photo est très belle et le jeu d’acteur très maîtrisé, donc non seulement on ne s’ennuie pas, mais on aimerait même que cela dure plus longtemps. On aimerait aussi que cette veine de critique aussi acerbe et juste, définitivement non dogmatique, puisse parfois traverser la méditerranée et irradier dans le cinéma européen ou français. L’Iran a la chance d’avoir un cinéma aussi vif qui permet de rendre visible une situation passée sous silence dans pas mal de pays qui n’ont ni la chance ni la possibilité d’avoir le cinéma pour en rendre compte. Ce;a nous ramène finalement à un age d’or du cinéma de revendication ou,protestation, qu’il s’agisse de l’époque russe avec Eisenstein ou du néo réalisme italien après Mussolini.

Plus qu’une revendication, c’est un constat. Téhéran, et l’Iran au travers de la ville, est en train de s’effondrer, métaphoriquement écrasée par toutes ces pressions, ici toujours montrées comme abstraites, hors champs, invisibles mais c’est justement ce qui les rend féroces et dangereuses. Le dernier plan du film en sera une très belle illustration

Recommandation pleine et entière, sauf si vous aviez, mais c’est peu probable, prévu un voyage à Téhéran pour les prochaines vacances, ou si vous êtes un fervent soutien du régime en place, mais dans ce cas vous ne seriez peut être pas en train d’écouter Raje, on a je crois hélas assez de médias réactionnaires dans le pays qui pourraient vous satisfaire si vous êtes partisan d’un retour à l’ordre, aussi absurde et écrasant  soit-il.


J’aurai pu vous proposer une musique iranienne pour se quitter; il y a toute une scène de résistance par la musique métal en Iran, et le générique de fin est d’ailleurs issu de cette scène artistique, mais je n’ai pas pu le retrouver. Alors on va se laisser en avec un morceau de résistance made in France, vivre libre ou mourir, des Béruriers Noirs
 

Alexandre Cussey

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